La Camargue, comme entité culturelle, lui doit beaucoup. Le marquis Folco de Baroncelli est connu comme « l’inventeur de la Camargue ». Écrivain, propriétaire d’une manade, gardian, défenseur de la biodiversité, cet homme n’a eu de cesse de promouvoir une région qu’il aime et qu’il façonne au point de conjuguer Provence avec Western américain. À travers ce site, son œuvre subsiste.
Les jeux équestres camarguais, c’est lui. Les beaux costumes de gardians, c’est lui. La Croix camarguaise, c’est encore lui qui est derrière. C’est l’histoire d’un aristocrate tombé amoureux d’un territoire pauvre qu’il cherche à sublimer avec l’air du temps. À l’époque, les manades de taureaux et chevaux peuplent déjà une région marécageuse, peu fertile, où les moustiques pullulent.

Sa grand-mère lui enseigne les traditions locales. Né à Aix-en-Provence en 1869, Marie Joseph Lucien Gabriel Folco passe une grande partie de son enfance chez elle, dans un mas près de Bouillargues. C’est là-bas qu’il admire les taureaux, les chevaux, qu’il rencontre les gardians et s’imprègne de la langue et la culture de ses hommes à chevaux façonnant le territoire.
Baroncelli, Buffalo Bill et les chefs Sioux
Il dompte la littérature et publie un premier roman. Il n’a qu’une vingtaine d’années. Une rencontre change alors sa vie : celle du célèbre auteur Frédéric Mistral. L’écrivain occitan confie au marquis la rédaction en chef de son journal, L’aïoli. Baroncelli intègre rapidement l’association des Félibriges qui défend l’identité propre au sud de la France et de la langue d’oc. L’époque est au régionalisme fleurissant, mais toujours méprisé. L’autorité républicaine veille au grain.

Les lettres se complètent d’actes. Baroncelli veut devenir manadier. Avec sa femme, il loue un mas aux Sainte-Marie de la Mer et commence l’élevage de taureaux de Camargue. Certaines de ses bêtes resteront dans les mémoires des locaux, pour leurs courses mémorables.
Il y a de quoi se rêver cow-boy. Fasciné par cet univers venu d’outre-Atlantique, le marquis se rend à Paris en 1905 pour assister aux Wild West Show de Buffalo Bill. Le Camarguais s’inspire. Il propose des chevaux et des hommes à l’Américain qui accepte. Baroncelli fait la rencontre de chefs Sioux dont Jacob white eye, de la tribu des Lakotas. Il les invite chez lui et reçoit le nom de « Zintkla waste » ou Oiseau fidèle. Le Camarguais correspondra pendant plusieurs années avec le chef amérindien.
Trois croix pour ne pas mourir
Folco de Baroncelli se bat alors pour faire valoir les siens. Il taille un costume sur mesure pour ses gardians : chapeau à large bord, chemise colorée, veste de velours, pantalon en peau de taupe, bottes en cuir. Il imagine le symbole de l’union : la croix camarguaise. Illustrée par un ami en 1926, elle mélange croix chrétienne, trident des gardians et ancre des marins.

Pionnier de l’écologie, il se bat contre le projet d’assèchement de l’étang du Vaccarès. Et ce, quarante ans avant la création du Parc naturel régional de Camargue et de la réserve de biosphère financée par l’UNESCO.
« Si tu es ici, c’est que tu défendras notre communauté toute ta vie », lu aurait un jour révélé une vieille dame gitane alors que le marquis, encore enfant, s’était égaré dans la crypte de l’église des Saintes-Marie-de-la-Mer. « Zintkla waste » n’y manquera pas. Il obtient le droit pour la communauté gitane d’effectuer la procession jusqu’à la mer de la statue de leur sainte patronne, Sara la noire.
Un roi-poète déchu
« Folco de Baroncelli était le roi dans ce pays, un roi berger, comme David, un roi qu’on admirait et dont on se moquait. Un roi pauvre », le décrit le peintre Jean Hugo dans ses mémoires.

Le sort s’acharne contre lui à la Seconde Guerre mondiale. Les envahisseurs allemands décident de s’installer dans son mas et l’expulsent. Ils le raseront en 1945. Entre-temps, beaucoup de gardians meurent à la guerre, beaucoup de taureaux abandonnés à leur sort les accompagnent dans la mort.
Ruiné, la santé fragile, il se blesse au genou d’un coup de sabot. Le patriarche de la Camargue meurt à son tour en 1943, à 74 ans. Jean Hugo conclura : « Il est mort d’une enflure du cœur aggravée par un coup de pied de cheval ».
2 thoughts on “Qui est Folco de Baroncelli, considéré comme l’inventeur de la Camargue?”